« On a appelé les parages de l'Île d'Anticosti le "cimetière du golfe" et un peu de ce
titre macabre pourrait désigner
les environs de l'Île-aux-Oeufs,
du moins avant la construction du phare.
La longue batture qui s'avance dans la mer,
vis-à-vis l'Île-aux-Oeufs et qui porte le nom
de Pointe-aux-Anglais, est totalement
recouverte d'énormes roches.
On ne peut s'empêcher de frémir
à la pensée de tous les navires, petits et gros,
qui vinrent se jeter sur ces périlleux rivages. »
Damase Potvin, Le Saint-Laurent et ses îles.
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Tableau conservé à l'église Notre-Dame-des-Victoires à Québec, Place Royale.
Extrait de la cartouche de la carte de la ville de Sept-Îles sur la Côte-Nord.
Monseigneur Cassulo et les passagers furent secourus par les pêcheurs et les résidents du village.
Tableau conservé à l'église Notre-Dame-des-Victoires à Québec, Place Royale.
La flotte de l'amiral Hovenden Walker, 1711
Le nom de l'amiral Walker rappelle le pire naufrage qu'aît connu la Côte-Nord. Ce naufrage survient en 1711 quand, chargé de prendre Québec et de faire tomber la colonie française aux mains des Anglais, Walker commande une flotte de neuf vaisseaux de guerre, deux galiotes à bombes et 60 navires servant au transport des troupes: une armada de 12 000 hommes, femmes et enfants entassés dans les navires. Malheureusement pour lui, la nuit du 22 au 23 août sera lourde de conséquences: des vents violents et une mer déchaînée projetèrent les navires sur les récifs de l'Île-aux-Oeufs, huit vaisseaux s'écrasent sur les récifs causant la mort de près de 900 personnes. L'Amiral Sir Howenden Walker mit alors fin à sa tentative de prise de Québec, forçant ainsi le reste de la flotte à rebrousser chemin et de regagner l'Angleterre.
« Dans la nuit du 21 au 22 août 1711, il y avait dans les parages de l'Île-aux-Oeufs, alors que soufflait sur le fleuve un vent violent qui ne réussissait pas à chasser un épais brouillard, une flotte d'environ quatre-vingt navires qui, commandée par l'Amiral Walker, s'en allait prendre Québec. L'équipage de la flotte , composé de 12 000 matelots et soldats, ignorait le lieu de l'expédition. Le 30 juillet, l'amiral Walker appareillait. Il commandait une splendide armada: soixante-dix-sept navires de haut-bord qui suivait le vaisseau-amiral, l'Edgar. À la hauteur du Cap Breton, le vaisseau-amiral "Edgar" prit à son bord le capitaine Paradis pour diriger la flotte --"Si vous vous aventurez dans le Saint-Laurent avec une pareille flotte", dit Paradis à l'Amiral, "vous y perdrez tous vos vaisseaux"-- On passa outre. La fin fut navrante. Le vent hurlant, le brouillard, la nuit noire, les récifs menacants, là, tout près. Huit gros vaisseaux se brisèrent sur les rochers de l'Île-aux-Oeufs et 1 100 hommes périrent en cette fatale nuit. Walker donna ordre de rassembler ce qui restait de sa flotte et rebroussa chemin. Québec était sauvé. La tempête avait, jadis, dans le même secteur, brisé l'orgueil d'un autre amiral anglais, Sir William Phipps, en lui arrachant, à lui également, mille hommes et trente-huit navires. » Damase Potvin, Le Saint-Laurent et ses îles.
Le nom des navires de Walker échoués sur les récifs de l'Île-aux-Oeufs sont le Chatam, le Colchester, le Content et le Malbourough. Quatre régiments anglais furent alors détruits: ceux des colonels Clayton, Kaine, Seymour et Windress. D'après le journal de Walker, les pertes s'élèveraient à 884 soldats, mais ces chiffres ne correspondent pas au total des pertes constatées dans les rapports des régiments touchés par la catastrophe. De plus, il y avait sur les vaisseaux échoués des soldats des régiments britanniques des colonels Churchill, Hill et Kirke, ainsi qu’une partie de l’artillerie et les deux régiments américains des colonels Vetch et Walton. De nombreux corps furent retrouvés sur la grève et les rochers, dont ceux des épouses de certains officiers.
À Québec, l’effet de ce désastre fut immense. Des fêtes solennelles furent célébrées pour souligner la défaite des ennemis et rendre grâce à la protection divine d'avoir épargnée la vie des habitants de Québec. Le nom de la chapelle Notre-Dame-de-la-Victoire à Place Royale fut alors changé pour celui de Notre-Dame-des-Victoires: la victoire contre la flotte de Walker s'ajoutait ainsi à celle contre la flotte de Phips en 1690. L'année suivante, en 1712, afin de commémorer cet évènement historique, plusieurs des objets du naufrage recueillis sur les rivages de l'Île-aux-Oeufs furent transportés jusqu'à Québec et vendus à l'encan. "Des ancres, d'une grosseur surprenante, des canons, des boulets, des chaînes de fer, des habits fort étoffés, des couvertures, des selles de chevaux magnifiques, des épées d'argent, des tentes bien doublées, des fusils en abondance, de la vaisselle, des ferrures de toutes les sortes, des cloches, des agrès de vaisseau et une infinité d'autres choses. On en vendit pour 5 000 livres. Tout le monde courait à cet encan; chacun voulait avoir quelque chose des Anglais." Mère Juchereau de Saint-Ignace de l'Hôtel-Dieu de Québec poursuit son récit en ajoutant: "On y laissa beaucoup plus qu’on en put enlever ; cela était si avant dans l’eau qu’il fut impossible de tirer tout ce qu’on y vit." Elle ajoute qu'on en rapporta encore à Québec "deux ans après pour 12 000 livres, sans compter tout ce qu’on avait été ailleurs”.
Québec: Quatre siècles d'une capitale, Chapitre 5 La capitale militaire 1608-1759, p. 131
Naufrage des bateaux de la flotte de l'amiral Sir William Phips, 1690
Selon les informations du Ministère de la culture et des communications du Québec (MCCQ), la Côte-Nord compte environ 2 000 épaves de toutes époques réparties tout au long de son littoral. En janvier 2005, les vestiges d'une épave d'un navire du 17e siècle, ayant appartenue à la flotte de l'amiral Phips échouée en novembre 1690, ont été découvertes à l'Anse-aux-Bouleaux, en face de Baie-Trinité. Il s'agit de l'épave du navire « Elizabeth and Mary » comme l'explique Yves Monette dans son article dans le site internet Archéolab.Québec : Les trésors de l'épave du Elizabeth and Mary (1690).
Cette découverte d'aussi rares vestiges de navire échoué dans ce secteur de la Côte-Nord fait suite à la découverte de l'archéologie subaquatique, il y a quelques années, d'au moins cinq navires de la flotte de Walker échoués en 1711 sur les récifs de l'Ile-aux-Oeufs située au large en face de la Pointe-aux-Anglais. « L'Ile-aux-Oeufs est distante de la terre ferme de près de deux milles. Elle fait face à la Pointe-aux-Anglais où l'on voit une petite chapelle autour de laquelle vit un groupe d'une quinzaine de familles acadiennes originaires de l'Ile d'Anticosti d'où elles sont venues vers 1887. » Damase Potvin, Le Saint-Laurent et ses îles.
L'Île-aux-Oeufs: un secteur de nombreux naufrages...
Au cours du 19e siècle, il y a eu plusieurs autres naufrages dans les parages de l'Île-aux-Oeufs, comme le mentionne Damase Potvin dans son ouvrage Le Saint-Laurent et ses îles, mais on n'en a malheureusement aucun détail. Toutefois, le registre des naufrages pour le secteur de la Pointe-aux-Anglais et l'Île-aux-Oeufs précise les naufrages des navires suivants: le Margaret en 1841; le Peruvian en 1855; L'Eleaver en 1868; le Genesis en 1868; le Whilelmine et le Vestalenden en 1878; L'Aquilon en 1880; le Mary en 1881, L'Emmas en 1883; le Mary B. en 1885; le Seahorse en 1887; et le Barrington en 1897.
On retrouve plus de détails sur le naufrage de L’Aquilon vers 1880, comme l'indique Damase Potvin, une goélette appartenant au capitaine Alexandre Fraser, de l'île Verte. « L'équipage était composé du capitaine, de son fils Émile et d'un matelot du nom de Boucher. La saison de pêche étant terminée, l'Aquilon se préparait à repartir et les Fraser étaient débarqués pour faire leurs adieux à la famille du gardien Paul Côté quand éclata une violente tempête. Ils avaient eu le temps de gagner leur goélette et ils y étaient à peine quand l'embarcation, rompant ses chaînes, se mit à dériver sur terre, vis-à-vis la pointe qui s'avance vers l'île. En un instant, elle se brisa sur la batture de rochers. M. Eusèbe Deroy, qui demeurait non loin de là, à Pointe-aux-Anglais, aperçut les naufragés accrochés à la mâture de leur goélette. Il put les sauver mais au prix de combien de difficultés. Ils attendirent sur l'île un autre navire qui put les ramener à l'Île Verte.
En 1901, eut lieu le naufrage des Bernier venus pêcher dans le secteur de l'Île-aux-Oeufs. Un soir s'éleva soudain une tempête si violente qu'une de leurs barges s'en alla à la dérive... Voulant mettre leur embarcation à l'abri de l'île, les Bernier, le père et les deux fils, prirent le vent arrière et d'énormes vagues rejetèrent la barge sur la côte où elle chavira sur un rocher qu'on appelait Calumet. On retrouva le lendemain l'épave d'un bateau, l'un des fils Bernier était mort, alors que son frère gisait au fond de la barge, encore vivant. Ce dernier est devenu le capitaire Bernier de la goélette Speedy qui navigua de nombreuses années... Quant au malheureux père, il fut emporté par la mer... On retrouva son corps trois semaines plus tard. Il repose dans le petit cimetière des Îlets-Caribou.
En 1904, le Souro s'échoua sur la Pointe-aux-Anglais, tout près de l'Île-aux-Oeufs. Le bateau fut renfloué et reçut le nom de Saint-Laurent que commanda le capitaine O. Bernier. Il était la propriété de Holiday & Frères, marchands de poisson de Québec. En septembre 1912, eut lieu le naufrage du Marie-Ange, goélette du capitaire Charles Gagné, de Métis, qui s'échoua sur les battures de l'île lors d'une violente tempête. En avril 1930, un bateau venant du Cap Breton, s'arrêta à l'est de l'île pour faire son plein d'essence. Le bateau partit, quand soudain s'éleva une épaisse fumée du navire au moment où il passait en face de l'île-aux-Oeufs. Le gardien de phare et sa femme recueillirent les deux hommes qui gagnèrent péniblement l'île à la nage. L'un deux était gravement brûlé. Le gardien de phare, Elzéar Chouinard, et son épouse Élise Fraser, lui donnèrent les premiers soins. Il s'agissait du capitaire Lejeune et de son frère. Lorsqu'ils quittèrent l'île, le blessé était à peu près complètement guéri, comme le raconte Damase Potvin dans son livre Le Saint-Laurent et ses îles.
Le dimanche, 13 août 1933, dans l'humble petit hameau des Ilets-Caribou, à tout au plus deux milles de l'Ile-aux-Oeufs, Mgr Cassulo, alors délégué papal au Canada, célèbre la messe de la mission, dans la petite chapelle des Ilets-Caribou. Parmi les rochers sombrent qui bordent le rivage, à demie effacée dans la brume du matin, la silhouette d'un navire qui, la veille au soir, est venu piquer du nez sur le pointe d'un rocher... « Le North Shore, un navire de la Clark Steamship Navigation Co., construit en Russie impériale en 1886 pour une princesse russe, s'est échoué sur le rocher qui menace maintenant de le briser comme un jouet. Deux semaines plus tard, renfloué, il était jugé inapte au service et fut démoli dans les chantiers de Sorel... » On héberga les rescapés du North Shore dans les maisons des Ilets-Caribou, comme le raconte Damase Potvin.
L'expédition de l'Amiral Walker sur Québec en 1711
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